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En photo Publié le 16 juillet 2015

Gueule d’Ange – Numéro 16 – Dominique Secher


Le cadre et la lumière

 


Dominique Secher est éclairagiste à la télévision. C’est un homme de la lumière, mais c’est d’abord le cadre que l’on remarque dans ses photos. La découpe sur le réel est incisive, volontaire. Chaque élément a sa place, tout s’ordonne, s’équilibre à l’intérieur du cadre, sans rompre avec le mouvement. La lumière vient ensuite. Elle inonde et fait vibrer les couleurs. Nous l’avons rencontré chez lui, à Paris, dans l’appartement familial où s’exposent les premiers dessins des enfants et la dernière œuvre du papa. Entre l’imprimante Epson et le téléviseur géant. Il paraît s’excuser de son succès et chaque énoncée valorisante de sa biographie lui est cruelle. « C’est facile… je n’ai aucun mérite, c’est naturel » comme si décidément la photographie n’était pas un métier mais un plaisir, celui de l’amateur,  pour ceux qui ont la chance de la vivre comme une passion.

 

 

Naturellement photographe

 


Alors que beaucoup de photographes ont abîmé leur passion originelle au gré des compromis et des contraintes liés à l’activité professionnelle, Dominique Secher s’est réservé une zone blanche, vierge d’images, d’une quinzaine d’années, entre la découverte excitante de ses 15 ans et la reprise fortuite, il y 6 ans, à la faveur du numérique tout auréolé de son dénuement technique. Pour le pur plaisir de photographier. Et la fougue du déclenchement est vite revenue. L’appareil photo a repris sa place, toujours prêt, sur la poitrine, dans la poche, il est de tous les déplacements, de toutes les virées à scooter qui sont autant de balades photographiques.
 

 

« Dans mon village, on m’identifiait comme celui qui a un appareil photo autour du cou. Je photographiais tout ce qui bouge. De manière quasi compulsive. Seuls les gens m’intéressaient. Dans la rue, chez eux, je construisais des histoires, élaborais des thèmes. J’étais pris au jeu. Mais il n’y a pas eu la rencontre, la circonstance qui fait que la passion devient profession. Une famille, la vie parisienne, un métier d’éclairagiste à la télévision, la photographie a fini par sortir de mon univers, quinze années ont passées. »  


Jusqu’à ce qu’on lui prête un appareil photo numérique et que très vite, achetant à prix d’or un Canon 10D, il retrouve ses automatismes de l’adolescence, ce besoin de cadrer ses semblables.

Son premier sujet, en 2006, concerne les coulisses des studios de télévision, un milieu qu’il connaît bien. Il y photographie les techniciens dans l’attente, après l’installation, avant le démontage prêts à agir en cas d’incident. L’ennui est en filigrane de chaque image. Un extrait de cette série « 100% TV » est exposé à la galerie Elda Mazer, comme le sera en 2008 son travail sur les coulisses du cirque Pinder  « Circus Level 1 ».

Les thèmes s’amoncellent, toujours un en préparation, une dizaine dans la tête. Actuellement il y a les femmes de 20 à 40 ans, photographiées dans leur intérieur, quasiment sans mise en scène, juste un surplus de lumière qui donne au décor et aux attitudes du quotidien un côté théâtral qui questionne sur la part de vérité. Sur le même principe, les enfants dans leurs chambres, les familles chez elles, et peut-être les hommes (il y pense), vont se succéder. « Sur ces thèmes, ma femme assure la direction artistique. Elle choisit les personnes et les lieux, et organise les séances de prises de vues. Ce sont des thèmes au long cours, très structurants, quasi professionnels, très différents des instantanés journaliers grappillés lors de mes déplacements à scooter. Pour ces derniers je n’hésite pas à faire des détours, à repasser des dizaines de fois au même endroit. Quand je sais que j’ai trouvé le bon décor mais qu’il manque le bon passant, je peux attendre longtemps, très longtemps. »

Aujourd’hui, il multiplie les prix et honneurs de la photographie amateur : lauréat  du prix TRANSPHOTO sur le thème : la route, 1er prix du concours FNAC 2009, 1er prix du concours « déclencheurs de talents » organisé par Center Parcs, …

 

« Pour moi, la couleur c’est la joie »

 


Le noir et blanc demeure. Il y a toujours cette envie d’aller plus loin dans la pureté et le graphisme, mais la majorité de son travail est en couleur. « J’ai envie de montrer du bonheur, des  moments de connivence, d’espoir. Pour moi la couleur c’est d’abord la joie et aujourd’hui, ça me convient. Même si régulièrement le noir et blanc s’impose» .

Ses couleurs, il les choisies vives et saturées pour des images de rues que l’on avait l’habitude de voir en noir et blanc ou chaudes et douces pour son travail sur les Romanes insistant sur la quiétude rassurante d’une communauté tzigane qu’on se représente dans le bruit et la discorde. Des couleurs toujours brillantes, une lumière qui inonde, des compositions rythmées. 

 

 

Vérité et bienveillance

 


Pour Dominique Secher, photographier est un geste naturel. 

 

« J’énerve bien des personnes quand, face aux photos,  je leur dis que c’est facile, mais c’est ce que je ressens. Pas d’effort, pas de contrainte, seulement du bonheur initié par le regard et la volonté de partage. » 


C’est avec ce désir de créer du lien, de la proximité qu’est né le projet sur le cirque Romanes.  « J’habite du côté de la porte Champerret, là où sont installés les Romanes. C’est en voisin que je les ai contactés, leur proposant de photographier leur quotidien. Ils ont d’abord refusé, trop sollicités, se méfiant des images tronquées qui circulent sur la communauté rom. Mais je me suis accroché, je suis passé plusieurs fois sans faire de photos, je me sentais bien avec eux et ils ont fini par être en confiance. Les premières photos leur ont plu, je leur ai donné des tirages et quand j’ai eu le 1er  prix décerné par le magazine Photo, je leur ai offert un poster de l’image primée. Ils ont reconnu qu’il y avait quelque chose de plus dans mes photos, un peu de leur vérité y passait. Aujourd’hui le reportage terminé, je continu à les voir, dernièrement j’ai fait les photos du baptême du petit dernier, je me sens bien avec eux. Peut-être que mon arrière grand-père tzigane n’est pas étranger à cette sensation. Ils m’ont d’ailleurs avoué avoir très tôt décelé chez moi des origines communes. »

Une série d’images étonnante, au regard bienveillant, qui multiplie les angles de vues et les situations, dans une intimité jusqu’alors peu révélée.  De bon augure pour le prochain sujet : « les Hells Angels » 



Les tirages d’exposition grand format sont réalisés chez Négatif+

 


Côté matériel, Dominique Secher est resté fidèle à Canon avec un très large choix d’optiques. Il aime varier les angles et les distances au sujet. Il passe allègrement du 16 mm au 400 mm, apprécie les focales fixes pour leur résolution, mais travaille souvent avec le zoom 24 – 70 mm. 

Il réalise lui-même ses tirages sur une imprimante Epson 3800 et confie tous ses grands formats au laboratoire Négatif+. « Je suis très pointilleux sur le rendu des couleurs c’est pourquoi je préfère réaliser moi-même les impressions, mais pour les tirages d’exposition grands formats que je ne peux pas réaliser moi-même, Négatif+ a toujours été à la hauteur de mes exigences ».


http://www.dominiquesecher.fr/

 

 

 
Numéro : 16 Spécial Dominique Secher
Janvier – Février – Mars 2010


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