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En photo Publié le 30 juillet 2015

Gueule d’Ange – Numéro 30 – Yann Levy

Yann Levy est venu tardivement à la photographie. Animateur puis éducateur de rue, son passé est fait de musique rock underground, de politique libertaire et de sports de combats extrêmes.


Personne sous tension, sa gentillesse et son écoute de l’autre cachent difficilement la fracture. Fracture dont on ne saura rien, mais dont on imagine la naissance dans un héritage familiale de souffrance et d’injustice. La photographie est devenue une raison de vivre, l’ancrage qu’il attendait depuis l’adolescence, le sésame pour s’approcher, communiquer et comprendre l’autre. Un espoir aussi. Une lumière, capable de bouger les limites, de montrer l’inacceptable, de raviver les causes perdues et les mémoires enfouies. Ce sont les gens qui l’intéressent, leur vie et leurs sentiments. Uniquement l'humain. Pas une photo sans personnage. De l’Irlande à la Palestine, de la banlieue parisienne aux ghettos de Port-au-Prince, chaque image est un échange de regards, une histoire d’homme à homme.



Yann Levy

Photographe combattant




 

La politique de la photographie utile


Les débuts sont en noir et blanc. Pas par goût de la belle image gorgée de toutes les nuances de gris, mais par militantisme. Adepte du mouvement punk, il s’applique la fameuse directive : "Do it yourself". Le noir et blanc lui permet de développer lui-même ses films et de réaliser les tirages dans un petit laboratoire associatif. La couleur est plus délicate à traiter et plus onéreuse, il n’y viendra qu’au moment du passage au numérique.

L’engagement politique et social, vécu dans la rue au plus près des déshérités et dans l’univers musical rock underground, est à l’origine d’un style, d’une idée de la photographie qui ne se satisfait jamais de l’esthétique si elle ne s’accompagne d’une voix militante, d’un mouvement turbulent et du respect de la personne photographiée. Il participe à des fanzines tel que Barricata, faisant les photos et la maquette par la suite. Il photographie la scène musicale, photographie les groupes majeures de cette scène : Bérurier Noir, Brigada Flores Magon, Oi Polloi ou encore UK Subs. Il illustre quelques groupes influents du moment tels que Tagada Jones. Dans le même temps, il photographie dans les salles de sports et au contact de la rue, les gens, toujours les gens, en misère et en revendication, en combat ! 

"Animateur à Rennes puis éducateur de rue à Saint-Denis, dans la banlieue parisienne, j'ai toujours refusé de lier ma passion de la photo à mon métier. Quand la photo est devenue suffisamment importante, j'ai arrêté l'éducation spécialisée, pour me professionaliser et je garde une forte dimension sociale dans mes sujets. Autre domaine de prédilection : le free-fight, sport de combat extrême qu'il a pratiqué assidûment, ce qui lui permet de réaliser des portraits d'une sensibilité rare, très éloignés du sensationnel qui préside dans les magazines officiels, comme en témoignent ses portraits du champion du monde de Ju Jitsu Vincent Parisi, du champion Cheick Kongo et ses reportages dans les écoles de boxe, en France, en Irlande et en Haïti. 

 

Juste proche des gens



Yann Levy utilise tous les formats, en noir et blanc et en couleur, pour lui, l'important c'est le sujet, la personne que l'on photographie. "Certes, il existe de grands photographes au style identifiable du premier coup d'œil, mais sans le sujet et sa véracité, il n'y a pas de photo. Pour moi le photographe doit être au service de son sujet. Être le plus proche et le plus honnête possible à son égard, préservant son intimité." Quand on visionne ses photos réalisées sur les dix dernières années, tant dans le monde musical que sportif ou social, ce qui frappe c’est la diversité des formats et des appréhensions formelles. Du carré statique et équilibré, au rectangle borduré, façon gouache, de l’image posée, parfaitement nette, au cliché pris sur le vif, flou et décadré, peu semble lui importer. On se prend à chercher désespérément un style et on le trouve non pas dans la forme, mais dans son rapport à la personne. Yann Levy est toujours à bonne distance de son sujet. Suffisamment près pour que l'on puisse tout ressentir et comprendre d´un visage, d'un regard, mais sans jamais violer la sphère d'intimité de la personne, en douceur, en empathie. Bien souvent la photographie passe après la rencontre. Quand il se rend à Belfast sur une info concernant un club de free-fight dirigé conjointement par un catholique et un protestant, il y va par intérêt pour cette relation particulière. Il ne fera pas de photos mais retournera plus tard pour traiter le sujet en commun avec les intéressés qui sont aujourd’hui des amis. Quand il signe pour So Foot un reportage sur les supporters des nombreux clubs de football à Athènes, reportage qui en dit long sur le rôle de ces personnes dans la gestion politique de la crise économique du pays, c’est aussi à l’origine une histoire d’amitiés avec certains d’entre eux. 

On comprend qu’au fil du parcourt, la vidéo se soit finalement insinuée. Une technique supplémentaire mise au service du sujet. Des images où le sujet prend la parole !

 

De la photo à la vidéo, le sujet prend la parole


 
« La photo condense la globalité du sujet en une image alors que la vidéo prend le temps nécessaire pour s’approcher d’une vérité et surtout elle donne la parole aux gens. Par moments, la photo est source de frustration. J’éprouve le besoin de faire entendre les sons environnants, d’offrir à la personne qui me fait face la possibilité de s’exprimer. »

Son premier sujet vidéo, écrit il y a deux ans, était sur le thème des jeunes des quartiers pauvres de Port-au-Prince, des jeunes qui n’ont bien souvent que la boxe pour espérer sortir de leur condition. Le reportage photographique qui a précédé a été publié dans Karaté / Bushido Magazine et le film de 50’ produit par Velvet Film est en attente de diffusion sur une chaîne hertzienne. 

Bon nombre de photographes, et parmi eux des reporters aguerris, se sont étonnés qu’une équipe de tournage puisse circuler dans la Cité Soleil à Port-au-Prince, le quartier où les médias ne vont pas. Mais Yann Levy a de nombreux atouts pour ce type de reportage, l’expérience de la rue d’abord et la connaissance des sports de combat qui sont majoritaires et très vigoureusement pratiqués dans ces quartiers.

« Je suis venu avec 40 kg de matériel de boxe, ça aide à se faire accepter. De plus, je connais les champions qu’ils vénèrent, et comme eux, je suis tatoué. De faits, nous avions une base de communication. »


Il faut dire aussi que l’équipe de tournage était des plus légères : un preneur de son, un traducteur, un chauffeur autour du photographe muni de son Canon 5D habituel, en mode vidéo. 

Aujourd’hui un deuxième projet est en préparation sur la mémoire de la mine dans le Nord Pas de Calais. Encore un sujet qui parle d’humanité, de solidarité et le l’âpreté de vivre. 

 

Négatif Plus quand il ne peut le faire lui-même



Dans le « Do it yourself », la place d’un laboratoire n’est pas évidente, mais si Yann Levy essaie toujours d’en faire le plus possible lui-même, notamment les traitements sous Photoshop et les impressions, il lui arrive, notamment lors de commandes de tirages en série, de recourir au service d’un laboratoire. C’est alors Négatif Plus qu’il choisit pour le bon rapport qualité/prix et l’universalité des services, du développement film à l’encadrement. 


Une monographie intitulée Marge(s) a été éditée en 2009 chez Libertalia, consacrant principalement son travail dans le domaine musical. Plusieurs ouvrages collectifs accueillent ses images, comme « Teenage Kicks », livre d’art dédié aux graphistes Poch et Rock, « Dance Ska La Book », livre anniversaire des 15 ans du festival éponyme et « Contemporary Jewelry In Perspective » ouvrage traitant des modifications du corps, des punks aux pirates du corps, à paraître en septembre 2013. L’ensemble de ses reportages et portraits sont consultables sur le site http//:www.yannlevy.fr

Concernant les projets immédiats, il travaille sur la création d'une collection photo/graphique aux Éditions Libertalia et prépare deux sujets, un sur Jérusalem, l’autre sur la Californie.


Niels Sidsel


http://yannlevy.fr/

 

Soley – Teaser mars 2013 from Yann Levy on Vimeo.

Plus d'informations sur le tournage du documentaire ici : http://www.yannlevy.fr/Boxe-Santiago-Soley-Haiti-la-XXX




 
 
Numéro : 30 Spécial Yann Levy
Juillet – Aout – Septembre 2013


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