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Photo argentique Publié le 27 octobre 2022

Pousser un film : quelles pellicules choisir ?

Il y a deux principales raisons qui peuvent conduire à ‘pousser un film’ : travailler avec moins de lumière que prévu ou chercher un rendu esthétique particulier, plus granuleux et plus contrasté. Dans tous les cas, il s’agit de choisir un film et de faire ses prises de vues comme si la sensibilité de ce dernier était supérieure à ses capacités réelles. La pellicule devra rester un peu plus longtemps dans les bains de révélateurs pour compenser cette perte de lumière… Mais tous les films ne supportent pas ce traitement de la même façon. Alors lesquels s’y prêtent le mieux ?

 

Laurent Bramardi Tri X 400 de Kodak poussée en 1600 ISO (2 diaphs)

 

Comment ça marche  ?

 

Prenons pour postulat que vous avez armé votre boitier avec un film en 100 ISO et que vous vous retrouvez à devoir travailler en intérieur… vous réglez votre molette ISO sur 800, faites vos prises de vues et voilà : vous venez de pousser votre film.

Ce dernier a reçu moins de lumière, il est donc sous-exposé. Pour combler ce déficit, le film devra être laissé plus longtemps dans le bain de révélateur : précisez bien à votre laboratoire à quelle exposition vous avez réglé votre cellule, cela permettra de savoir combien de temps il faudra révéler votre film – c’est une opération irréversible !

Toujours est-il que, sous l’effet de cette immersion prolongée, les sels d’argents grossissent et s’agglutinent, ils deviennent plus visibles ; les gris se transforment, devenant des dégradés de grains noirs plus ou moins rapprochés. La finesse de piqué et le rendu des tons moyens en pâtissent et, le film ayant reçu moins de lumière, les zones d’ombres ou de hautes lumières perdent, dès la prise de vue, beaucoup de détails. Tout cela concourt à des images moins ‘fines’ mais qui gagnent beaucoup en contrastes : c’est un effet très intéressant qui ‘dramatise’ facilement une image et qui est, il faut bien le reconnaître, assez difficile à reproduire à partir d’une prise de vue numérique…

 

ISO et ‘Diaphs’


Plus il faut laisser longtemps le film dans son bain, plus les effets décrits (grains, augmentation des contrastes, etc.) seront marqués. 

Comme toujours lorsqu’il faut évoquer en photographie une quantité de lumière reçue, on parle en ‘diaphs’ : une unité d’ouverture de diaphragme équivaut en effet à une unité de temps de pause ou, ce qui nous intéresse ici, à un palier ISO (du 400 au 800, du 800 au 1600, etc.). C’est pour cela que votre laboratoire compte le temps de développement qui doit être appliqué à votre pellicule en ‘diaphs’ : si vous avez sous-exposé votre pellicule d’un palier, par exemple du 400 au 800, ou du 800 au 1600, cela équivaut à un diaphragme ; du 400 au 1600, du 800 au 3200, à deux diaphs, et ainsi de suite. A partir de 3 ‘diaphs’ votre film peut se retrouver poussé dans ses retranchements : le grain éclate, il n’y a presque plus que du noir et du blanc… mais cela peut aussi s’avérer intéressant !

 

Quels films choisir  ?

 

En théorie, tous les films peuvent être poussés, avec des résultats plus ou moins typés et… plus ou moins heureux ! Mieux vaut, par exemple, éviter la HP 5 d’Ilford ou l’APX d’Agfa, qui peuvent faire apparaître un voile sombre sur l’image. Ou la plupart des pellicules Fuji, dont le grain monte vite et peut rapidement ‘cacher’ votre image – à moins, toujours, que ce ne soit l’effet que vous recherchez.

 

Noir et Blanc

Laurent BramardiSFX 200 de Ilford poussée en 1600 ISO

Chez Ilford, les Delta 100 ou 400 ont un grain très fin qui supporte facilement jusqu’à 3 diaphragmes. Et vous pouvez aussi essayer la PAN F, en 50 ISO, dont la finesse de détails imbattable offre une grande latittude de traitement. Amateurs d’expérimentations, la SFX 200 peut vous plaire : sensible au spectre rouge, elle fait de beaux ciels noirs si vous utilisez un filtre rouge lors de la prise de vue… mais mieux vaut ne pas dépasser les deux diaphs.

Chez Kodak cette fois, les classiques Tmax 100 et 400 se prêtent bien au jeu. Plus inattendue parce que naturellement légèrement plus granuleuse, la TriX 400, poussée en 1600 ou 3200 ISO, a un rendu très intéressant et – justement de par son grain natif – un cachet particulier.

 

Couleurs

Laurent Bramardi Ektar 100 poussée en 800 ISO

Nous avons jusqu’à présent parlé des pellicules noir et blanc, mais il est aussi possible de pousser des pellicules couleurs avec des effets très intéressants : l’augmentation des contrastes se traduit par une augmentation de l’intensité des tons… On perd toujours en subtilités, le grain se fait plus apparent, mais vos images deviennent plus ‘flashy’ !

Dans cette catégorie, les Fuji s’en sortent très bien : mention spéciale à la Pro 400 H, qui offre un très bon rendu un fois poussée.

L’Ektar 100 de Kodak, au grain très fin et aux couleurs naturellement saturées, est aussi un très bon choix. D’autres films plus neutres, comme les Portra, peuvent par ailleurs gagner un peu plus de ‘pêche’ si on les force de deux diaphs…
Ici, comme souvent, des essais seront sûrement nécessaires pour trouver les options les plus appropriées à votre oeil !


Toutes photographies sur cette page © Laurent Bramardi