En photo Publié le 11 juillet 2015
Gueule d’Ange – Numéro 11 – Laurent A.
Photographe voyageur.
Impossible de le manquer. Près de 2 m sous la toise, il faut encore y ajouter la hauteur des rollers qui le quittent rarement. Parisien jusque dans le langage imagé et gouaillant, il parle vite et jongle avec les rendez-vous. Il nous parle voyage, encore de voyage et aussi de photographie.
La révélation du voyage
On ne peut pas dire que Laurent A. soit tombé tout jeune dans le bain photographique. Sa passion c’était le dessin.
Adolescent, il passait ses journées et une bonne partie de ses nuits avec Léonard de Vinci et Michel-Ange ou dans l’univers fantastique des mangas, travaillant la caricature, cherchant le trait juste qui découvre l’émotion, le caractère d’un personnage. C’est déjà l’humain qui l’intéresse, la rencontre imaginaire de héros venus d’ailleurs.
«Mais je me suis vite aperçu que je n’avais pas le niveau, que je ne serais jamais parmi les meilleurs, ceux qui vivent de cet art. Alors j’ai tout abandonné pour suivre, beaucoup plus classiquement, une école de commerce.»
Aujourd’hui Laurent A. est chef d’entreprise dans le secteur de l’automobile et ça marche. Il vit bien et peut nourrir ses passions, jusqu’à leur donner une place prépondérante. En 1998, il participe à un concours national baptisé «Avoir 20 ans en l’an 2000».
Il gagne un voyage qui le transporte dans différents pays européens. C’est la révélation. Lui qui a passé toute son enfance et son adolescence à Paris, ne s’évadant que vers les côtes au gré des vacances scolaires, franchit les frontières, rencontre des gens et des langages différents. Il veut en voir plus, découvrir, comprendre, aimer l’autre dans sa différence.
«Depuis, je consacre tout mon temps libre et l’essentiel de mes économies aux voyages. J’ai parcouru plus de 30 pays, toujours à contre-sens des chemins touristiques, en évitant les destinations prisées par les tours opérateurs. Le plus souvent seul, ou avec un comparse photographe, privilégiant la marche et la proximité, provoquant la rencontre.»
Au début, c‘est le plaisir de partir qui le guide, puis il se prend au jeu, se documente, s’instruit, lit tout ce qui concerne la géopolitique, l’ethnologie et l‘anthropologie. Ces sciences qui semblaient destinées aux érudits lui deviennent familières. Il s’appuie sur ses connaissances pour programmer de nouveaux voyages. Le plaisir devient étude, les deux se mêlent.
«Ce n’est qu’au bout de quelques années que je me suis dit que je devais faire œuvre de mémoire, laisser une trace de mes voyages et surtout témoigner de la réalité quotidienne de ceux que j’ai croisés, écoutés, aimés, d’ethnies inconnues pour la plupart, ou simplement présentées sur le petit écran pour cautionner l’envergure culturelle d’une émission. En 2005, j’ai acheté mon premier appareil photo reflex et depuis photographie et voyage sont inséparables.»
L’Inde, le Népal, le Bengladesh, la Syrie, le Liban, l’Afrique du Sud, le Japon, l’Argentine… L’Éthiopie, et le Soudan, les destinations se suivent et les photos s’égrènent, toujours essentielles, résultat d’une sélection drastique. Tout dans une image ou rien.
«Au commencement, il y a le voyage. Simple et dépaysant qui vous met dans un état, de fragilité et d’assurance à la fois, propice à l’ouverture et à l’échange. J’ai besoin d’eux, de leurs visages, de leurs regards, de leur humanité débordante. Puis il y a la photographie. Celle qui témoigne et ne peut être réussie, porteuse de valeur, que dans une présence véritable, une communion dans l’instant»
En quête d'un visage
Laurent A. ne photographie pas les paysages. Ce n’est que fonds, décors, bruissements, l’important est dans la personne, le visage, le regard. Tout est dit.
Les photographies de Laurent A. se concentrent sur l’humain. Dans un visage, c’est toute la condition humaine qui se lit. Dans un regard, l’histoire de celui qui se montre est entière. Des images qui se distinguent du genre par la simplicité et la force du cadre. Le sujet, le plus souvent centré, en parfait équilibre dans un décor épuré, s’impose par sa seule présence, de face, sans anecdote, sans misérabilisme, dans sa vérité.
«Un visage me comble. Une seule image au bout du périple me suffit. Pour moi la bonne image est celle qui dit toute l’histoire à la première vue, d’emblée.»
«Je choisis ma destination afin de rencontrer de nouvelles ethnies, comme les «fermiers» de la vallée de Katmandou, les chrétiens de Chittagong, les sadhus de Bénarès, les Mursis ou les Hamers d’Éthiopie,… de la vallée de l’Omo en Éthiopie ou prochainement la Papouasie où se côtoient des dizaines tribus. J’essaie ensuite d’entrer dans l’intimité de chaque groupe, de saisir en quelques visages et attitudes, le style de vie de toute une population.»
Génération Photoshop
Laurent A. a commencé sa pratique photographique avec le numérique. Il utilise un boîtier Canon 5D équipé de trois optiques fixes : 35 mm, 50 mm et 85 mm. Chaque image est travaillée sous Photoshop, principalement pour la balance des couleurs et le vignettage qui concentre le regard sur le sujet. Une manière de renforcer le style dans la prédominance ocre et le clair obscur.
«C’est vrai, je n’ai pas connu la pratique du laboratoire. Mon labo, c’est Photoshop. Mais il ne faut pas se méprendre, une mauvaise photo ne peut jamais se rattraper sur PhotoShop. Mais on peut renforcer la puissance d’une bonne image, la faire sienne par une interprétation personnelle.»
Malgré tout, quand on «parle photo», il ne cesse de citer les «anciens», les «argentiques» : Cartier Bresson et son utilisation du 50 mm, Doisneau et son caractère social, le Paris de Willy Ronis, Boubat,…
Et surtout Don Mc Cullin.
Niels Sidsel
Négatif+, la bonne équipe
«Tous les traitements et impressions de mes photos sont réalisés au Service graphique de Négatif+. J’ai trouvé là une équipe à l’écoute, capable d’anticiper ma demande et d’assurer l’unité de mon travail.
Je me sens soutenu, compris. C’est important dans les moments de doute des retours de reportages.»
Laurent A.
Octobre – Novembre – Décembre 2008
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