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En photo Publié le 4 août 2015

Gueule d’Ange – Numéro 34 – Chantal Serène

Chantal Serène est émerveillée. Elle n’en revient pas de tout ce qui lui arrive depuis le dernier salon de la photo où ses images ont été montrées et encensées.


Depuis, ses projets prennent sens, les envies photographiques se bousculent, l’avenir est enfin prometteur. Faut-il en remercier les Madones, thème emblématique de son travail, ou saluer des études d’art bien menées et de belles rencontres ? Son intérêt pour la culture, la religion et sa soif d’apprendre amènent à se poser la question, mais ce sont assurément, son histoire si particulière, cette simplicité et douceur d’être, qui ont fait œuvre.


Une histoire d’art et de lumière 

 


Son parcours commence en Roumanie, où elle naît en 1982 avant d’être adoptée à l'âge de 3 ans, Il passe par une passion pour l’art dès son plus jeune âge et un intérêt pour tous les folklores, tant pour leurs attraits festifs que culturels. C’est autour de ces trois passions : l’histoire de l’art, le folklore et la Transylvanie que se développe son œuvre. Après avoir passé une maîtrise d’histoire de l’art, elle renonce à une carrière dans l’enseignement et choisit la photographie pour assouvir pleinement son besoin de créer, de s’approcher des peintres qu’elle vénère, au-delà du discours, par un dialogue de lumières et d’émotions. 

Le folklore, découvert à Montpellier, ville de son enfance, nourrit son intérêt pour les habits, les drapés et costumes de scènes,  la passion est plus visuelle que musicale, c’est le folklore qui lui fait redécouvrir la Transylvanie qui sera le théâtre de ses plus belles « photos peintures », en reportage.  
 

Sous l’influence des grands peintres 


« Un pinceau à la main devant la toile vierge, rien ne vient, c’est le vide. En photo, je vois des choses, ressens les formes et les lumières. » Dans chaque image, elle cherche les émotions qu’ont su traduire les grands maîtres de la peinture qu’elle célèbre, du classicisme à l’impressionnisme, de Nicolas Poussin à Vincent Van Gogh. Ses photographies sont influencées par la peinture, on y retrouve les lumières et la manière de poser, les couleurs et les aplats de texture, mais elles prennent vie dans l’instant, elles sont aussi de mouvement et de chair, des images d’aujourd’hui, d’adolescentes  et de belles personnes qui se prêtent au jeu de la peinture, sans pour autant se travestir, même la nature s’y amuse.

Le rapport est si étroit avec la peinture qu’on est inévitablement amené à s’interroger sur la place réservée au traitement, si Photoshop n’est pas trop mis à contribution. Or si l’on s’approche de plus près, on perd l’effet peinture pour être happé par le réel, le grain et les imperfections de la peau, par l’épaisseur photographique, la chair du modèle, la rugosité des murs. Elle travaille au Nikon D800, avec des focales fixes qui lui imposent de bouger, de s’approcher et laisse l’ordinateur à la maison, elle privilégie le moment  de la prise de vue.

 « J’ai toujours fait beaucoup de photos, mais avec un compact, de la photo souvenir, ce n’est qu’avec mon premier reflex que j’ai compris que grâce à la photo je pouvais créer, m’exprimer, réussir là où la peinture m’abandonnait. Je n’ai pas appris la technique photographique, j’ai très vite su que la photographie tenait entière dans la lumière et qu’en la maîtrisant je réussirais les images qui me motivent. J’ai intégré toutes les lumières de la peinture des 18ème et 19ème siècles, je les recrée en studio ou les traque en extérieur, les ressens comme j’ai pu les ressentir face aux tableaux, dans les musées et les livres, qui m’ont accompagnés durant mes études. Je passe beaucoup de temps dans le choix des modèles et dans la construction de la lumière, peu sur Photoshop, même si ce logiciel me permet de travailler la colorimétrie qui est une étape primordiale. J’ai beaucoup appris dans ce domaine auprès du photographe Edouard de Blay et du peintre-photographe Louis Treserras. Toute la série des « Madones » est réalisée chez moi, un studio de 19 m2, en lumière continue, une source et un réflecteur. Rudimentaire, mais pas si simple ! »
 

L’importance de la Transylvanie 


Sa photo de reportage est aujourd’hui essentiellement associée à la Transylvanie. Quand on lui demande pourquoi, elle invoque son engagement au CIOFF (1) crée en 1970 par Henri Coursaget, partenaire officiel de l'UNESCO, dont le but est la sauvegarde de la culture traditionnelle et du folklore dans le monde. Un voyage dans le cadre d’une association folklorique, en 2003, m’a fait découvrir le Nord de la Roumanie, les Maramures, région de la Transylvanie. »  

Ce fut pour elle un véritable choc esthétique et humain. Ces paysages et habitations sur lesquels le temps semblait s’être arrêté, l’ont plongée dans la peinture du 19ème, celle-là même qu’elle a étudiée et aimée. Les hommes et femmes au travail étaient les casseurs de pierres de Gustave Courbet, les glaneuses de Jean-François Millet ou les blanchisseuses d’Edgar Degas, tout y était : la lumière, les outils, les décors, …, jusqu’aux visages burinés et silhouettes éreintées, dans cette région d’Europe, tout près de la frontière ukrainienne, là où la nature a gardé tous ses droits. 

« J’ai rencontré un guide, qui est également instituteur, Vasile Bud, nous sommes devenus amis, il m’a présenté des parents ou grands parents de ses élèves qui m’ont invité chez eux, m’ont laissée entrer dans leur vie, dans leur intérieur, leur métier, leurs loisirs. C’est une chance énorme car ils n’apprécient pas les photographes qu’ils associent à la presse, aux scandales et à la politique. Pénétrer chez Loana et Nicolaï, c’est entrer dans l'univers de Van Gogh. Une lampe, une fenêtre, murs blancs soulignés d’éléments décoratifs très colorés, ici le temps s’est arrêté. » Chantal Serène prépare un livre sur les Maramures et une série sur les costumes traditionnels, une manière de boucler la boucle puisque son thème de maîtrise était sur les costumes de scène au 19ème siècle.

D’autres projets sont en cours. La série sur les « Madones » se poursuit avec une recherche active de nouveaux visages, « Street », photos de rue aux lumières jaillissantes, n’a de cesse et les photos « Intimistes » qui prennent toutes leur source auprès des peintres portraitistes du début du 19ème siècle devraient, leur succès aidant, se décliner sur des commandes en portraits et mariages. L’aventure picturale ne fait que commencer…
 

Négatif Plus  : 

«Mon labo pour toujours ! »


Chantal Serène ne tarit pas d’éloges sur Négatif Plus, même si les premières relations, il y a cinq ou six ans, ont été conflictuelles avec des tirages pas au top et une fuite vers un autre laboratoire. Mais maintenant, c’est du sérieux ! 

Je suis retournée chez Négatif Plus l’année dernière pour tester le papier Hahnemühle William Turner. Les tirages étaient magnifiques et la texture du papier en parfaite adéquation avec mon style « peinture ». Du coup, j’ai fait tirer toute la série des femmes voilées et le 14 août, je me rappellerai toujours de cette date, j’ai reçu un appel téléphonique d’un responsable de Négatif  Plus me disant qu’ils aiment mes photos et veulent en exposer certaines au salon de la photo, en 1 x 1 m ! J’ai cru que mon cœur allait lâcher… six ont été retenues, on a beaucoup dialogué pour atteindre le meilleur rendu et l’expo sur le stand Négatif Plus, au coeur du salon, a été un vrai succès. Aujourd’hui ce sont 18 tirages qui sont présentés au labo art graphique. . Négatif Plus m'a permis  de prendre confiance en mon univers photographique. C'est une histoire extraordinaire qui je l'espère durera longtemps ! »

Niels Sidsel



(1) http://www.cioff-france.org/


http://chantalserene.format.com/