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En photo Publié le 28 septembre 2022

Questions de Droit : les différents statuts du photographe

Il y a autant de façons de pratiquer la photographie qu’il y a de photographes : alors comment, parmi toutes les options juridiques proposées, choisir le statut qui correspond le mieux à sa démarche ? Pour y voir plus clair, en voici un rapide tour d’horizon en compagnie d’Hortense Moisand, avocate au barreau de Paris.

La photographie fait toujours naître des questions juridiques inattendues – que, ou qui, peut-on photographier ? Dans quel cadre ? Comment exploiter le fruit de son travail ? Hortense Moisand, spécialisée dans le secteur artistique et culturel, nous guide dans les méandres de ces interrogations au travers d’une série d’entretiens mensuels, les Questions de Droit, chacun dédié à un sujet particulier.


photographes

 

Négatif + : Pour commencer, quel est le critère principal à prendre en compte pour choisir son statut ?

Hortense Moisand : Ces statuts sont au nombre de quatre : photographe amateur, artisan, auteur ou journaliste. Le plus simple, avant de choisir parmi ces options, c’est de partir de son activité : qu’est-ce que je compte faire ? Quel type d’images, pour quelle exploitation ? Il est tout naturel ensuite de choisir le statut qui correspond le mieux à son objectif. Ces statuts sont cumulables, mais ils nécessitent alors des gestions séparées, avec des comptabilités distinctes – puisqu’ils induisent des fiscalités différentes.

Entre les statuts, les structures juridiques et les réglementations sociales et fiscales possibles, le pannel des options devient vertigineux. Les objectifs de simplification administrative des gouvernements successifs décideront peut-être un jour de s’engager dans la construction d’un statut unique du photographe. Mais nous n’en sommes pas encore là, et pourtant la concurrence sur le marché de photographie est intense…

 

Négatif + : Commençons par le photographe amateur…

Hortense Moisand : Ce n’est pas un statut stricto sensu, c’est simplement la possibilité, très occasionnelle, de vendre des tirages ou de faire des prestations dites commerciales, comme des photos de mariage, d’évènements, etc. Il n’y a pas de limite quantitative bien précise, mais il faut que cela reste exceptionnel. Sans quoi cet amateur pourrait faire une concurrence déloyale à des photographes installés qui, eux, payent des charges. L’amateur, lui, ne paye rien. Il n’est même pas tenu à faire une facture : une note d’auteur peut suffire. Il doit juste déclarer ses émoluments dans ses revenus annuels. De la même manière il ne peut pas démarcher, organiser des ventes, se faire un site commerçant : dès que son activité prend l’allure d’une démarche, peu ou prou systématique, peu importe le résultat, cela veut dire que l’on n’est plus dans une pratique ‘amateur’. Donc il faut alors épouser un statut qui corresponde à l’activité réelle. Si on ne le fait pas, on s’expose à des risques de requalification fiscale, avec une amende éventuelle et des arriérés à recouvrir.

 

Négatif + : Le plus courant est l’artisan photographe…

Hortense Moisand : C’est celui qui peut faire le plus de choses. C’est, aussi, celui qui est le plus imposé, puisqu’il propose des opérations commerciales, des prestations de service avec une production de tirages ou d’images afférentes. Il peut faire de la photographie de portrait, de mariage, scolaire, d’évènements privés ou publics, des cartes postales, de la vente en série de tirages non numérotés, etc. etc.

Sa forme juridique aussi est assez libre : il peut s’inscrire comme personne physique ou en tant que société. Ce qui ouvre tout le champ des possibles : ce peut être une SAS, une société individuelle, de l’auto-entreprenariat, etc. Il lui faudra choisir son régime fiscal, rattaché à ce statut juridique – s’il est en déclaration contrôlée, ses frais professionnels peuvent être déduits, etc. Ce dernier point est d’ailleurs l’un des avantages du statut d’artisan.

 

Négatif + : Comme vous le disiez précédemment, on peut être à la fois artisan et auteur.

Hortense Moisand : Tout à fait. Il existe alors deux options : dans la première, l’artisan vend ses tirages originaux, considérés comme œuvres à part entière, sans changer de statut. Il faut se rappeler que la TVA est appliquée en fonction du produit et non du statut du photographe. Donc, ces tirages originaux ont une TVA à taux réduit de 5,5 %. Mais, en revanche, les charges ne changent pas, le photographe doit s’acquitter de celles du statut d’artisan. Et là il y a un vrai différentiel entre celles de l’artisan-photographe et celles de l’auteur-photographe, ces dernières étant considérablement plus faibles. C’est pour cela qui si un certain volume de vente d’œuvres se profile, il vaut mieux souscrire aussi au statut d’auteur et s’inscrire à l’AGESSA.

Ce qui nous amène à la deuxième option : le photographe a les deux statuts, et déclare séparément les revenus de ses activités commerciales et ceux de ses activités d’auteur aux caisses correspondantes, en respectant leurs impositions respectives.

 

Négatif + : Afin d’éviter que les photographes ne se déclarent abusivement en auteurs pour bénéficier de charges moins lourdes, est-ce que la ‘photographie d’auteur’ doit répondre à des critères particuliers ?

Hortense Moisand : Les photographes auteurs peuvent vendre leurs œuvres originales et céder les droits d’exploitation de leurs clichés. Ils bénéficient effectivement d’un régime fiscal avantageux destiné à encourager la création. Ensuite, le terme de ‘photographie d’auteur’ est très vaste, puisqu’on n’est pas censé s’attacher au mérite de l’œuvre mais à l’intention de son auteur. Nous avions déjà évoqué ce sujet lors de notre précédent entretien relatif aux tirages originaux. Elle se lit dans le choix du cadrage, du format, du sujet, etc. Dans tous les cas, la personne la mieux placée pour statuer sur ce sujet c’est le photographe lui-même. C’est à lui de faire ce choix, qui peut être mis en cause s’il n’est pas justifié. Si la question se pose, on va, en général, s’attacher à voir quelle est l’activité principale du photographe, quel est son apport personnel à une image, s’il répond à une commande, à la demande d’un client. Ce dernier point serait l’indice d’un travail commercial déguisé – mais ce n’est pas un élément suffisant, parce qu’on peut faire des photos personnelles dans une commande, ou se faire commander des photos personnelles ! Ce sont des questions délicates, et, in fine, c’est au photographe de faire le tri entre sa production originale et commerciale.

 

Négatif + : Et qu’en est-il des photojournalistes ?

Hortense Moisand : Ces derniers ont le statut de pigiste. Ils sont censés être payés en piges, c’est à dire comme salariés – avec en contrepartie toutes les cessions de droits afférentes aux piges en vue de la publication du travail du photographe dans un magazine ou un journal. Sauf que, et les organes de presse l’ont bien compris, il est financièrement beaucoup plus intéressant pour eux d’acheter des droits d’auteurs que de commander des piges. De fait, la vérité du marché est que ces organes de presse achètent la plupart du temps des droits d’auteur… ce qui, juridiquement, n’est pas la bonne façon de faire. D’autant que le statut de pigiste permet au photographe d’accéder à celui de journaliste, à la carte de presse, et à une meilleure couverture sociale…

Il est aussi important de préciser que la cession des droits des photographies commandées est automatique, dans un cadre défini entre les parties ou par les accords collectifs de la presse. S’il y a des republications, l’utilisation de l’image sur d’autres supports, des accords prévoient aussi le montant des droits d’auteurs qui pourraient être versés pour ces exploitations complémentaires allant au-delà de l’exploitation normale du journal.  Mais quand les négociations collectives n’aboutissent pas, l’Etat (en l’espèce le Ministère de la Culture) peut décider de se substituer aux professionnels du secteur pour réglementer. C’est ce qui vient de se passer avec la publication du Décret du 9 mai 2017 fixant les conditions de détermination du salaire minimum des journalistes professionnels auteurs d’images fixes rémunérés à la pige.

 

h0001Hortense Moisand

Hortense Moisand a été responsable juridique de prestigieuses institutions publiques (le Musée du Louve, le Musée du Quai Branly, le Palais de la Découverte) avant de réintégrer la profession d’avocate au barreau de Paris. C’est comme spécialiste du secteur artistique et culturel qu’elle intervient ici. 

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