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En photo Publié le 17 juillet 2015

Gueule d’Ange – Numéro 17 – Christian Avril

Christian Avril
Photographe indépendant et engagé.


Photographe ou journaliste ?



Les premières paroles de Christian Avril furent : Je ne suis pas photographe ! 

Comment ça vous n’êtes pas photographe ?

La réponse a été sans appel : « Je ne fais pas de l’image pour l’image. Il n’est pas question d’art, d’images composées et léchées, où tout est dit en un cliché. Moi, j’ai besoin de raconter une  histoire, de témoigner, je suis plus journaliste que photographe. Mes photographies appellent les légendes, du texte auquel s’unir pour faire un tout, prendre du sens ».

Même si bien des photos de Christian Avril contredisent cette entrée en matière radicale, je pense notamment à celle publiée en couverture de ce magazine, sa vie d’homme et de photo-journaliste s’y reconnaît parfaitement. 


 

Un esprit libre

 

« A l’aube de la retraite, après 40 années de photographie, je n’arrive toujours pas à la considérer comme un métier. Photographier est un acte de liberté. Les histoires que je raconte, histoires d’hommes, de paysages, de situations,…, ce sont les miennes. Elles naissent de rencontres, de désirs, de défis, comment s’arranger alors des contraintes de la commande ».


Homme de conviction, et râleur impénitent, il quitte sans préavis un célèbre magazine américain de mode pour lequel il couvrait les défilés parisiens, le milieu de la mode n’est décidément pas le sien. Il collabore avec une agence, mais n’hésite pas à rompre quand ses photos paraissent dans un magazine infréquentable, malgré ses mises en garde, et quand ses amis de la presse syndicaliste dont il est l’un des principaux photographes depuis bien des années, lui annoncent la baisse de ses piges, il de fâche. C’est le prix de l’indépendance, d’une photographie identitaire.
 

« Ça ne m’intéresse pas de rejouer toujours la même image, j’ai envie de nouveauté, de nouveaux espaces, de nouvelles rencontres. Apprendre de nouvelles techniques. Bouger ».

 

35 années de reportage social




On l’aura compris, Christian Avril est un homme politisé, de gauche, qui ne peut côtoyer les événements sans en témoigner. Sur 35 années, depuis 1970, il a été de toutes les luttes sociales. Sa photothèque recèle des trésors : les manifestations de l’après 68, LIP, le Larzac,…, les portraits des principales personnalités politiques de Pompidou à Mitterrand ou Chirac, autant d’images parues dans les quotidiens  Libération, Le Matin, L’humanité. « Je me suis énormément investi dans le reportage social, d’abord en indépendant puis pour la presse syndicaliste,  principalement la CFDT. C’est ma culture ».

Pas si sérieux qu’il pourrait y paraître, Christian Avril aime distiller à travers ses reportages une part d’humour sous forme de clins d’œil malicieux. Certains y sont même entièrement dédiés comme ce sujet sur l’affichage sauvage qui mêle publicité et slogans politiques et que l’on peut voir sur le site de Chambre Noire – www.chambrenoire.com.

 

« J’ai gardé de cette période, une vraie passion pour le tirage noir et blanc, j’ai toujours un labo chez moi et même à l’heure du numérique la chambre noire est nécessaire à mon cheminement photographique ». 

 

Aux frontières du danger



Pas photographe de guerre, mais photographe casse-cou, il se rend à Belfast en 1973 à un moment où les attentats sont quotidiens, notamment dans les arrières salles des pubs « catholiques » qu’il fréquente. Il est au Cambodge quand les Khmers tirent sur les trains et rançonnent ceux qui voyagent par la route. Il est en Croatie durant la guerre, missionné par une ONG, en Haïti en 1990 et, la semaine dernière, il traversait seul la Mauritanie au volant de son 4×4, ignorant les conseils de prudence de ses amis africains.

« J’ai beaucoup voyagé. Toujours appelé par la rencontre des gens, dans un but humanitaire et social, donc souvent aux confins de la guerre mais jamais au cœur du combat, excepté peut-être à Belfast où j’ai le sentiment d’avoir vraiment pris des risques. L’Afrique est une passion à part entière, j’y vais régulièrement depuis 1978. Toujours par mes propres moyens, de la vieille 404 Peugeot au 4×4. J’ai connu les touaregs du temps où ils partaient pour plusieurs semaines dans le désert pour chercher leurs troupeaux de chameaux avec seulement quelques litres d’eau, du thé et de quoi faire du feu. J’y vais pour les gens, pour m’approcher de leur mode de vie. J’ai même appris les rudiments du Bambara, langue principalement parlée au Mal ».

L’Afrique, le désert, mais aussi la voile et la traversée de l’Atlantique et de ses dangers. Dans le salon est affichée la fameuse photo du bateau sur le lac de Leucate et différentes maquettes de voiliers y sont en bonne place. Un intérêt de plus et aussi des sujets photographiques avec leurs légendes, leurs histoires.
 

« Si beaucoup sont tombés dedans tout petit, ce n’est pas mon cas. Pour moi, la photographie est venue par hasard, au gré des rencontres, des curiosités du moment. Tout m’intéresse. Et cela a toujours été. J’ai même commencé des études de médecine avant de me passionner pour le voyage et d’acheter un Nikon pour raconter en images mes pérégrinations ». 
 

 

L’appareil photographique le plus discret possible




On l’a compris, pour Christian Avril c’est la relation avec l’autre qui prime et tout élément technique qui vient contrarier celle-ci est banni. Son appareil fétiche est le Leica M. Tous les M jusqu’au M8 actuel.

« Grâce à la visée télémétrique l’appareil photographique ne cache pas complètement les yeux. On reste en contact avec la personne photographiée. C’est important ».


Quand Leica a proposé un appareil numérique suffisamment fiable, avec une résolution adaptée aux exigences de la presse magazine, il a hésité à franchir le pas. « Le support a changé, mais la vision demeure, c’est le principal. Je n’utilise jamais le M8 pour réaliser des photos  noir et blanc car on n’imitera jamais le grain de la TriX sur un tirage ». Si le noir et blanc représente en effet 90% de ses images, Christian Avril n’est pas un intégriste de la prise de vue achrome et les quelques images couleurs qui ponctuent sa production sont mémorables. 

 

Négatif +, un nouveau partenaire



J’ai toujours travaillé avec les laboratoires professionnels : Poursuite pour le développement E6, Dupon ou Central Color pour les tirages, mais maintenant que j’ai découvert Négatif +, mes prochains travaux de numérisation et d’agrandissement se feront ici. Il y a une écoute et une régularité dans la qualité qui n’ont rien à envier aux grands labos pros.




Niels Sidsel



http://www.chambrenoire.com/christian-avril/


 
 
Numéro : 17 Spécial Christian Avril
Avril – Mai – Juin 2009


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