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En photo Publié le 18 juillet 2015

Gueule d’Ange – Numéro 18 – Julien Lachaussée

Nous nous étions croisés il y a dix ans et je ne conservais de lui qu’une image assez floue : tout juste une silhouette, une physionomie.

Je l’ai reconnu immédiatement. Dans l’originalité vestimentaire bien sûr : débardeur sur bras tatoués, casquette US rivée sur des cheveux mi-longs hirsutes, mais le signe distinctif entre tous fut ce sourire franc et jovial, cette bonne humeur indéfectible qui donne du plaisir à la rencontre. Julien Lachaussée n’est ni dans la tourmente de la perfection ni dans celle du profit, il vit pleinement ses passions de glisse et de musique, les images suivent. Comme une évidence. 


Du skate à la photographie




Julien Lachaussée est fan de skate. À tel point que longtemps il n’a su imaginer d’autre avenir que de nouvelles figures acrobatiques sur une planche toujours plus performante. Il aura fallu quelques moments de claire voyance et les conseils d’une mère attentive pour qu’il envisage une profession.

« Souvent, lors de mes balades à skate, j’embarquais un appareil photo pour garder une trace de beaux gestes réalisés lors de compétitions ou de démonstrations entre amis. Mes images avaient généralement du succès et je me suis pris au jeu de la photographie. Alors, s’il fallait absolument choisir un métier, pourquoi pas photographe ? »


Il suit des cours, durant deux années, à l’EFET, École de photographie de bonne réputation, du 12ème ardt. Il y apprend les rudiments du métier et acquiert la certitude qu’il a fait le bon choix : il prend du plaisir à photographier et ses images savent retenir l’attention du groupe. S’en suivent 2 années d’incertitude puis 5 années d’assistanat dans la mode, avant de réaliser son ambition : non pas forcément être photographe, mais continuer à vivre ses passions et côtoyer les gens qu’il apprécie et respecte dans un milieu et une ambiance Rock n’Roll !

« J’ai beaucoup appris avec Jan Welters, photographe de mode néerlandais, plutôt cool, qui m’a toujours encouragé à prendre l’initiative, à préserver mon authenticité, sans chercher en permanence à plaire. L’EFET m’a donné le goût de la photographie, Jan Welters m’a appris le métier. »

Quand on connait le travail de Jan Welters, collaborateur des magazines Glamour, Vogue, Elle, …, à l’affiche cette semaine avec de somptueux portraits en noir et blanc d’Emmanuel Béart, on comprend  que Julien Lachaussée lui rende hommage.  

 

Work in progress

 

« Je n’utilise quasiment jamais de flash, de temps à autre une mandarine pour créer une dominante sur une partie du décor, mais le plus souvent j’utilise la lumière et les décors naturels. J’aime travailler à l’arrache, dans le mouvement de la relation, sur un rire, un geste, une attitude qui déborde, à la limite du contrôle. La bienséance de la pose m’ennuie. De même que la recherche de la perfection.»  


Il sort son ordinateur portable et montre les portraits de pinups qu’il vient de réaliser le matin même dans le décor d’un cirque, pour un calendrier ou se succèderont les filles et les lieux. Sur les images brut de scan, que peu de photographes auraient voulu montrer, tout y est. Pas besoin de retouche ou de travail de la couleur. Le modèle et le lieu, dans leur vérité, dans leur jus, entrent dans l’univers du photographe et font l’image. « J’aime ce genre de commande proche de la photographie de mode, sans en avoir les inconvénients. Je peux venir avec mes idées et mes envies. On ma sollicité pour y imprimer mon univers pas pour m’imposer un glamour convenu et aseptisé. Les filles sont belles, je choisis les lieux, il suffit ensuite de s’y trouver bien ensemble pour décrocher les bonnes images.»

 

Les Gueules d’anges de Julien Lachaussée 



La force des photos de Julien Lachaussée est de nous montrer des « gueules » sans jamais nous éloigner du quotidien, de la normalité. Il associe aux visages les plus durs, aux corps les plus abîmés par la vie, un élément de tendresse, des raisons d’entrevoir, hors champ, l’espoir de jours meilleurs, l’humanité.

« Oui, j’adore par exemple photographier les gros durs avec un animal de compagnie, ou dans leur intérieur occupés à des tâches quotidiennes. Je ne les photographie jamais à leur désavantage, je leur demande se faire beaux. Je pense que ma photographie n’est jamais noire, il y a toujours une dose de tendresse, un sourire. »

 

À la une de la presse magazine



La Presse européenne spécialisée dans les arts corporels et le rock extrême : Sang Bleu, tatouage magazine, Clark, Modzik, Maelstrom, Rugged, Power Glide …, fait régulièrement appel à lui pour approcher et photographier ces gens particuliers dont il connait parfaitement l’univers.  Seen, tatoueur newyorkais devenu une légende vivante de cet art, Roger Miret, le chanteur du groupe hardcore Agnostic Font ou Cyril Diabaté et Grégory Choplin, icônes du free-fight.

Très souvent aussi Julien Lachaussée monte lui-même des sujets autour de personnages exceptionnels qu’il est amené à rencontrer par le biais d’amis et de relations. 

« Voilà plus de 10 ans que j’évolue dans ce milieu. J’y vis mes passions et j’y ai de nombreux amis. Il faut savoir que certains des personnages que je photographie sont de vrais durs solitaires et complètement hermétiques à l’image. On n’est pas dans le rap français où il suffit d’avoir vendu quelques grammes de hasch et fait un peu de garde à vue pour parader. Là c’est du lourd : de la prison, du sang, chaque tatouage correspond à un engagement de vie. Seul un parrainage par des proches peut permettre une ouverture, et encore ce n’est pas gagné. Chaque sujet est une vraie aventure »


 

Et dans les galeries 



En 2008, il exposait à la galerie Collect’Art, dans le quartier du Marais et au printemps 2009, c’est galerie La Bellevilloise, qui a exposé 11 tirages grands formats, 60×80 et 80×100 , en noir et blanc et en couleur. 11 photographies réalisées pour Edwin, marque de jeans n°1 au Japon, implantée en Europe depuis quelques années et qui a confié son image à Julien Lachaussée. 

« Pour moi l’exposition, c’est obligatoirement du grand format, le format 6 x 7 le permet et j’en profite. » 
 

En couleur ou en Noir & Blanc, toujours au Pentax 6×7



Julien Lachaussée travaille au Pentax 6×7. Il en possède trois, dotés de leur belle et très pratique poignée en bois. Une relation de connivence, tactile et esthétique, s’est installée avec eux depuis les années de mode avec Jan Welters. L’appareil numérique, il n’en est même pas question. Il travaille en négatif, développe et scanne.

« Je pense que le matériel doit être le plus transparent possible, se faire oublier. Je suis tellement habitué à mes Pentax que mon seul souci est de pouvoir les maintenir en état le plus longtemps possible. »


« Couleur ou noir et blanc, peu importe. Je n’ai pas de préférences, c’est le sujet ou la commande qui décide. Je m’adapte. Même si au début j’ai eu du mal à trouver « mes couleurs », je sais que mes images seront aussi satisfaisantes dans l’un ou l’autre des supports : c’est la relation qui prime. »

En cinq années de photographe indépendant, Julien Lachaussée a su imposer son univers. Il est reconnu et les commandes affluent  tant des magazines spécialisés dans le tatouage que de la mode au sens large. Son ambition est d’aller à la rencontre d’autres gueules, au-delà de l’hexagone : à Montréal, aux Etats-Unis, … 




Niels Sidsel


http://julienlachaussee.com/

 
 
Numéro : 18 Spécial Julien Lachaussée
Juillet – Aout – Septembre 2010


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