En photo Publié le 20 juillet 2015
Gueule d’Ange – Numéro 20 – William Dupuy
Raconter des histoires est le cœur de métier d’une nouvelle génération de photo-reporters.
Ils traitent les sujets dans la durée et la proximité, sans rechercher le scoop ou le brûlant de l’actualité. William Dupuy est de ceux-là, mais il se distingue par un irrépressible positivisme, choisissant toujours de montrer la face de l’espoir, d’un regard ouvert, généreux et bienveillant.
Les belles histoires de William Dupuy
En quelques images justes, toujours en couleur, le plus souvent vives et saturées, dans un cadre mouvant et dynamique, William Dupuy fait d’un reportage au goût de drame une belle histoire où se tient toute l’âme humaine. Les tagueurs deviennent des artistes empreints d’une formidable énergie vitale, les femmes du Sahel qui mènent seules le combat contre la désertification sont belles et fières, les jeunes filles marocaines comme les aveugles du Cameroun jouent au foot,… La quasi totalité des reportages réalisés par William Dupuy sont dans l’accompagnement, la proximité, sans optimisme béat, toujours positifs.
« Je ne suis pas attiré par la misère et la détresse. Mon sujet n’est pas la catastrophe, mais la réaction humaine, le surpassement des êtres face aux difficultés sociales ou existentielles. Je photographie ceux qui réagissent, se regroupent, luttent, créent,… Je photographie des gens remarquables. »
Un regard humain et positif
Mais la plus belle histoire de William Dupuy est certainement celle de sa vie. Elle sous-tend l’ensemble de son travail photographique, est à la base de son positivisme et de ce rapport admiratif et protecteur qu’il entretient avec les femmes, omniprésentes dans ses reportages, quand elles n’en sont pas le sujet principal. Cette histoire, il la raconte avec charme, sans l’embellir, sans fausse honte. Une histoire qui se reçoit comme un sourire.
Père décédé, mère qui l’élève seule, il se retrouve en pension où par le pur des hasards – ou est-il question de destin -, il découvre la photo et s’entête à la pratiquer envers et contre tous, pour qu’elle devienne son métier malgré une mauvaise scolarité.
Apprenti en studio, photographe dans un régiment hélicoporté, école de photo-journalisme, premier reportage raté, en Algérie, son esprit batailleur ne le quitte jamais, il ouvre toutes les portes, photographie à tout va. Tous les thèmes convenus y passent, des tagueurs aux manifs. Il doute sur sa pratique, la remet en cause, regarde beaucoup, apprend des autres photographes qu’il admire : Sebastien Gaudard, Guillaume Herbaut, Patrick Chauvel, Philippe Guionie, Luc Delaye,…
« Je dois beaucoup aux rencontres comme celle de Patrick Chauvel qui m’a encouragé, orientant mes choix, allant jusqu’à me donner des films. Les périodes difficiles, notamment après mon retour forcé d’Algérie, la police nationale me jugeant indésirable sur leur sol, m’ont permis de prendre du recul et de m’imposer des priorités. Je pense qu’il est important de photographier ce que l’on veut montrer et non pas ce que les autres veulent voir. J’ai rejeté le formatage et l’appât du gain pour m’intéresser exclusivement au sujet et développer un regard personnel, d’auteur. »
Il suit la section de protection de la police de proximité, couvre le Prague Underground pour Nova, intègre la presse quotidienne à Nice Matin où il découvre le travail en binôme photographe / journaliste.
Puis s’enchainent plusieurs reportages en Afrique : les femmes du Niger, une jeunesse à la dérive au Sénégal et le tour cycliste de ce même pays,… Il y retourne régulièrement, les histoires qu’il choisit de nous conter n’apparentent pas le continent à la misère mais à la vitalité de ses réactions, un exemple pour le reste du monde. Le dernier reportage en date est flagrant. Réalisé avec le journaliste Mathieu Ropitault, il montre une pratique sociale du football, bien différente de celle admise dans le monde de l’argent et du show-biz. L’Afrique, « terre de foot », montre la voie. Le livre est édité par Canal+ à l’occasion de la dernière Coupe du Monde.
Désormais, ses sujets sont publiés par les grands titres de la presse magazine, Géo Espagne, VSD, Paris-Match, Nova, Femme Actuelle, Polka Magazine, l’équipe magazine… Ses images sont distribuées par Picture Tank, agence dont il est aujourd’hui sociétaire.
« Je ne suis pas un voyageur mais un conteur. Dans mes reportages, il n’y a pas de place pour l’exotisme. Je suis entier au service de mon sujet. Je me déplace souvent en Afrique, mais c’est toujours au service d’un sujet murement réfléchi et préparé en amont. Souvent avec la collaboration d’un journaliste. Sur place je suis entier à mon sujet, dans la recherche, l’attente, le questionnement sur la justesse des images. »
De l’Afrique au fil du Rhône
Même si l’Afrique tient une place importante dans l’univers de William Dupuy, elle n’est pas exclusive, loin de là. Le reportage le plus connu du grand public n’en est pas issu. Il s’agit de « Femmes Résistantes », un reportage réalisé avec le journaliste Samuel Humez sur ces femmes qui se sont engagées dans la résistance en 1940. Elles sont photographiées aujourd’hui dans leur décor quotidien, leur rue, leur intérieur. Un sujet difficile sur des personnes âgées, voire très âgées, qu’il faut magnifier dû à leur passé prestigieux. Chaque image est différente, pas de redondance, les personnalités sont fortes et uniques. « Nous avons beaucoup discuté avec Samuel avant chaque prise de vue. Tout l’intérêt de la relation avec un journaliste se retrouve dans ce sujet. Pour bien photographier chacune, il fallait comprendre son histoire et aussi ce qu’elle était devenue. Je suis très fier de ce sujet. »
Autre thème bien éloigné de l’Afrique, réalisé en solitaire cette fois-ci : la pollution du Rhône par le PCB, émanations nocives des transformateurs électriques qui jalonnent le fleuve. Un travail à la chambre, effectué dans la lenteur, qui tient entier dans le cadre et la lumière. « La pollution au PCB ne se voit pas, pas de boue noirâtre, de décoloration des eaux ou de poissons morts. Ce sont les riverains qui, mangeant le produit de la pêche, s’intoxiquent. Le pari est de faire apparaître la dangerosité et l’empoisonnement en filigrane des images, une sensation, un climat, une porosité visuelle ».
« Je photographie dans tous les formats, du 24 x36 numérique ou argentique, jusqu’au grand format, à la chambre. J’essaie d’adapter la forme au sujet, pas le contraire. Mais toujours en couleur, tout simplement parce que je vois en couleur. Pour moi, le noir et blanc n’est qu’un artifice. Il n’apporterait rien aux sujets que je traite.»
Négatif Plus, une remise en questions perpétuelle
Je pense que si Négatif Plus continue d’exister et de progresser dans un secteur en crise, c’est grâce à sa remise en question perpétuelle. Rien n’est acquis, les technologies au sein du laboratoire évoluent régulièrement, de nouvelles tireuses entrent, d’autres sortent, en fonction de la demande et aussi en prévision de l’évolution du marché. C’est ce qu’on appelle la veille technologique dans les grandes entreprises, ici c’est en direct.
Et puis, il faut le dire, Négatif Plus propose le meilleur rapport qualité / prix. C’est Négatif Plus qui réalisera les 15 tirages et contre-collage 40 x 60 cm de mon exposition aux « Photographiques du Mans », en mars prochain.
Niels Sidsel
http://www.william-dupuy.com/
Janvier – Fevrier – Mars 2010
Lire en ligne
Télécharger