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En photo Publié le 29 juillet 2015

Gueule d’Ange – Numéro 29 – Bessie Baudin

Vous les avez peut-être vues au dernier salon de la photo, les making-off sur You Tube vous ont peut-être accrochés, et si vous les découvrez dans ce numéro de Gueule d’Ange, vous ne les oublierez pas de sitôt.
 


Les images de Bessie Baudin se remarquent. Elles n’agissent pas en tant que photographies mais bien en allégories, comme si elle avait inventé un genre à part entière reposant sur un concept littéraire et une origine picturale classique. Des images réalisées de manière cinématographique sur un support photographique. A 25 ans Bessie Baudin, sans avoir réellement exposé ou édité ses oeuvres, impose la reconnaissance de ses « allégories », tableaux uniques portés par une équipe et un esprit, celui de l’esthétique classique et de l’enchantement.

 

Les allégories de Bessie Baudin 



Bessie Baudin n’est pas une fille comme les autres. Ne serait-ce que le prénom aux consonances outre atlantique,  entre cinéma et jazz du début du siècle dernier. L’apparence aussi est étonnante. Cheveux noir de jais et atours tout aussi sombres, contrastent avec la blancheur de la peau. Mais la différence n’est pas là. La personnalité de Bessie se tient dans le verbe. Paroles et écrits, les mots coulent à flots. D’anecdotes légères en récits historiques, de la gouaille à l’érudition, elle a tôt fait de vous noyer dans ses mondes, de vous attirer à sa suite sans avoir à vous séduire. Elle vous parle de l'Acédia, 8ème péché capital, passe au Faust de Marlowe avant de vous entrainer dans la Chute d’Icare, ce qui ne l’empêche pas, au détour d’une anecdote,  d’imiter le phrasé du chef électro sur son dernier tournage. Pas de répit, pas de temps mort, sans jamais se départir d’un merveilleux sourire,  elle raconte, affirme, doute, se confie…  Au bout de trois heures d’entretien et un petit café que l’on a oublié de boire en entier, elle semble avoir beaucoup dit sur elle et sa création, mais elle n’a fait que préciser les interrogations : qui est-elle ? D’où tient-elle ce savoir et cette passion de la chose littéraire ? Et pourquoi ce déferlement des mondes, de curiosités et de poésie, à quelques pas de la folie, trouve-t-il son aboutissement dans le cadre rigide et ordonné d’une photographie ?

 

La photographie comme tableau de maître



Au commencement, il y a la passion pour la peinture classique et les visites de musées qui s’en suivent, il y a la photographie qu’elle pratique depuis le plus jeune âge, et une fascination pour la composition picturale et le sens caché qui en découle. « Quand on me montrait une photo en me disant regarde comme elle est belle cette image, je ne pouvais m’empêcher de faire le parallèle avec les tableaux de mes peintres préférés, Vermeer, Van Dyck, ou Munch. Toutes les photos me semblaient pauvres et insignifiantes. Pour moi, la photographie, comme la peinture, doit passer par une recherche sur les décors, la mise en scène et la lumière. C’est un travail d’équipe, une longue maturation. » 

Bessie Baudin s’est très tôt intéressée à la photographie. « Il y a dix ans, je photographiais les paysages de l’Aube, où j’habitais, principalement en noir et blanc, et je traitais moi-même les clichés. »  Cette période correspond à la découverte d’une technique, elle entre  vraiment  en photographie avec la photo de concerts. Passionnée de musique Métal, elle suit les groupes locaux dans les salles des fêtes du coin. C’est aussi à travers cette expérience qu’elle se sensibilise à la lumière qui deviendra le point d’attache de sa création.

« J’ai pris conscience de l’importance de la lumière durant mes études d’audiovisuel, en BTS section montage. J’ai compris que la post-production, ce n’était pas pour moi, que la lumière était à l’origine de tous mes désirs d’images,  je me suis alors orientée vers les métiers de l’éclairage pour devenir « électro plateau » puis un jour, j’espère, chef électro ! »
 

 

La Photographie Grandeur Nature 



En contact avec la costumière du film Vatel de Roland Joffé, elle met en place sa propre séance photo autour de Louis XIV. C’est le début des allégories. « C’était une découverte. Se retrouver dans l’ambiance de l’époque, avec les lieux et costumes authentiques ; j’avais l’impression que Louis XIV était revenu. Ce fut le déclic. »  L’organisateur du festival « à l’Aube de l’image » ayant vu ces photos lui demande si elle peut exposer une dizaine de photos de la même veine  pour la prochaine édition du festival, dans trois mois. Elle relève le défi et se lance dans la mise en scène de dix tableaux qui deviendront les premières allégories de Bessie Baudin. « La recherche des modèles, des costumes, des décors et le travail d’équipe qui en découlait, m’ont d’emblée passionnés et je me suis très vite aperçu que l’allégorie était une base de création énorme, tant littéraire que visuelle. » L’exposition, en 2011, est un succès et les « Allégories » s’enchainent : « la vanité », « dame nature », les masques sont commandés à Venise, « le crime passionnel » « l’amoureuse », inspirée d’une photographie d’Henrich Khün, « la folie », « la rupture », « bien jeune Faust!" » « la chute», « Dame nature», « la fatalité », « le pouvoir », « celle qui voit », « Hurlements », essai sur la vie du peintre Edvard Munch, « Acedia », « Uranie », « l’élévation », « le diable », …, et la dernière « abracadabrantesque ». Sur cette dernière allégorie inspirée des contes de Lewis Carroll, ce sont pas moins de 15 personnes qui interviennent : trois décorateurs, deux assistants metteurs en scènes, deux électros, deux maquilleuses, deux régisseurs et même un photographe de plateau ! Une équipe que bien des petites productions cinématographiques lui envieraient. Chaque allégorie demande plusieurs semaines de recherche conceptuelle, de repérage, de chine pour les costumes, les masques et autres objets d’époque, … « On est tous à fond dans le projet. J’écris beaucoup en amont, je fais passer le texte à l’équipe et leur parle beaucoup. Le jour de la prise de vue, chacun a préparé son intervention en fonction de ce que je veux, de ma vision, nous sommes tous dans le même état d’esprit. »  Pour le premier tableau, la vanité, début 2011, ils étaient trois intervenants, la décoratrice Mathilde Balny, le modèle et la maquilleuse, aujourd’hui ils sont quinze et 11 à postuler ! 

 

Dans l’attente d’un livre



Mis à part un vernissage privé dans un grand appartement parisien qui a attitré tellement de monde qu’il était difficile de trouver le recul nécessaire pour regarder les tirages 40 x 60, les allégories de Bessie Baudin n’ont pas encore rencontré leur public. « Ce sont des tableaux, à chaque titre correspond une photographie qui contient toute la genèse du projet. Je ne veux pas dénaturer ce travail en le proposant à l’illustration. J’attendrai le temps qu’il faudra, la rencontre avec la bonne personne pour qu’un jour un livre soit édité, faisant de mes allégories une œuvre, récompensant l’énergie créatrice de toute l’équipe. » En attendant le mécène ou simplement le bon contact, Bessie Baudin fait participer un photographe de plateau qui offre aux modèles les images de la séance et un film du making off est réalisé pour satisfaire la curiosité et de besoin de finalité des participants.

 

Négatif Plus, depuis le début

 

« Négatif Plus est présent depuis le début, et même avant ! Je ne suis jamais allée ailleurs. Je ne connais pas d’autre laboratoire. Ils ont la même exigence dans la perfection du rendu, ils sont à l’écoute et savent associer à chaque projet les valeurs  d’impression qui conviennent. »


S’il n’y avait la noirceur du corbeau, on pourrait qualifier la photographie de Bessie Baudin d’enchanteresse, tant le plaisir du jeu et des costumes et le bonheur du travail en équipe,  transparaissent dans chaque image. Peut-être une photographie diablement enchanteresse…  



Niels Sidsel


https://www.bessiebaudin.fr/

 
   







 
 
Numéro : 29 Spécial Bessie Baudin
Avril – Mai – Juin 2013


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