En photo Publié le 6 juillet 2015
Gueule d’Ange – Numéro 6 – Seb & Enzo
Seb & Enzo, la nouvelle vague photographique
J’ai rendez-vous avec Seb & Enzo
Je m’attendais à un rendez-vous dans un café branché du XIe arrondissement, interviewant les stars montantes de la photographie people entre leurs dernières conquêtes : Valérie Lemercier, Cécile de France ou Hélène de Fougerolles.
C’était mal les connaître. Nous nous sommes bien retrouvés rue de la Roquette – il ne faut tout de même pas exagérer – mais dans un des derniers établissements resté authentique, cuisine familiale et clientèle du cru.
Même au moment du repas, ils ont la bougeotte : d’accord, pas d’accord, ils racontent, s’écharpent, se rabibochent, rient aux éclats, pour retrouver quelques minutes leur sérieux, histoire de bien vous faire comprendre que la photographie c’est pour rire et épater les filles mais dans la plus grande rigueur professionnelle.
« Nous sommes de grands amuseurs, mais aussi de grands pros ! »
En deux heures de rendez-vous, moi qui me trouve encore assez jeune, j’ai pris un terrible coup de vieux devant tant d’énergie et de passion affichées.
Seb & Enzo sont jeunes, tout juste trentenaires, et ils semblent déjà maîtriser toutes les techniques de la prise de vue et du traitement de l’image. Une expérience et des connaissances qu’ils ont acquises dans le jeu et la bonne humeur, passant jours et nuits dans le feu de l’action photographique, se brûlant de toutes les rencontres et provoquant sans cesse la chance.
« Dans ce métier, on peut être très bon, sans la chance, on n’est rien ! »
Avec eux on ne discute pas argentique contre numérique, manque d’authenticité des images retouchées sous photoshop, splendeur de l’inversible 20 x 25 ou supériorité du tirage noir et blanc baryté, ils sont de plain-pied dans la photo du XXIe siècle : numérique direct, post-production et écran géant.
La technique et le support ne sont pas importants, c’est l’idée qui prime. Et tout naturellement ils étendent leur compétence au cinéma avec un premier moyen métrage en collaboration avec la réalisatrice Laurie Boisivon qui sortira en septembre.
De la dynamite dans le ronronnement d’un métier encore endolori par la mutation technologique. La nouvelle vague photographique.
Une histoire à deux
On ne saura pas qui est Seb et qui est Enzo, c’est comme une seule et même personne qui aurait son côté Seb, plutôt carré et raisonné, et son côté Enzo, plutôt délirant et instinctif. Le Yin et le Yang. Avec pour point commun le bouillonnement des idées et l’audace. Une audace créative, tant à la prise de vue qu’au traitement sous photoshop, qui donne aux photos de Seb et Enzo un style particulier de bonne humeur et d’ingéniosité.
« Nous nous sommes connus, il y a 10 ans à l’école des Gobelins. Comme dans toutes les écoles photo, on travaillait en binôme, alternant les rôles d’assistant et d’opérateur. Si pour la majorité des étudiants cette situation finit par être pesante et conflictuelle, pour nous ça s’est très bien passé : on est passé du conflit de départ, entre deux personnalités fortes et plutôt contradictoires, à une véritable osmose qui a vite débordé le simple cadre des cours de prises de vues pour déboucher sur une vraie amitié. »
A la sortie de l’école, leurs chemins professionnels divergent. L’un intègre un studio de nature morte, l’autre assistant au studio Daguerre où il côtoie quelques-uns des grands noms de la photographie dont Peter Knapp, explorateur de toutes les pistes artistiques et passionné de graphisme, auquel ils aiment se référer.
Ils se retrouvent en 2000 pour une exposition «Seb & Enzo» dans les locaux de Central Color sur une idée qui présage de leur dualité future: photographier en même temps le même modèle et exposer les images en diptyque. L’expo est un succès, les contacts se multiplient, et une collaboration régulière avec le magazine Score fait que les commandes s’enchaînent jusqu’à la reconnaissance actuelle.
« Après nos retrouvailles, nous passions nos journées professionnelles à peaufiner les objets et le reste du temps nous photographions tout ce qui bougeait avec une prédilection pour les belles filles. L’expo de nos portraits chez Central et son succès ont vraiment été le déclic. Nous savions désormais que nous pouvions gagner notre vie en faisant la photo qui nous plait, c’est-à-dire celle qui nécessite la rencontre de l’autre, et pourquoi ne pas continuer à le faire à deux.
Ensuite, il y a eu la rencontre avec Wahib, le rédacteur en chef de Score, un fou furieux, homme orchestre du magazine, très créatif, qui nous a vraiment formé à la post-production, comment recréer son image avec l’aide entre autres de Photoshop. Il nous lançait sur un sujet, nous rapportions les images et on se mettait tous les trois en concurrence pour sortir le meilleur résultat, à la fois délirant et réaliste. Notre plus grande fierté est de l’avoir quelquefois impressionné par nos photos. »
La reconnaissance du style SEB & ENZO
La reconnaissance, c’est le magazine Sport, puis Studio Magazine et le Journal du Golf, les marques Nike, Roxy, …, les portraits de stars en quelques minutes dans les chambres d’hôtel ou lors de vraies séances de poses, plutôt en extérieur. Citons Wim Wenders, Ruppert Everett, Spike Lee, Oliver Stone, Jackie Chan, Archive, Guillaume Canet, Cécile de France, Valérie Lemercier, …
Le mode opérationnel est immuable : l’un commence et l’autre suit, jamais l’un sans l’autre, c’est le postulat qui garantit le style et la réussite. Les prises de vues se font en numérique et sont toujours traitées sur photoshop par les deux photographes.
Difficile de s’ennuyer quand on photographie pendant deux semaines les plus belles surfeuses françaises sur les plages de l’Est Australien, pour le magazine Sport et le catalogue Roxy.« Photographier à deux rassure le client, pour lui cela représente une chance supplémentaire de réussite. Pour le modèle, c’est différent, ça peut être pris pour une contrainte de plus, une immaturité, voire un manque de sérieux, mais quand on lui montre nos images, il change vite d’avis. Et puis à deux, on ne s’ennuie jamais. »
Pas le temps de s’ennuyer non plus entre les photos des candidats à la présidence, Sarkozy plus speed que jamais mais prenant le temps de la pose et du dialogue avec les photographes, et les préparatifs d’un reportage d’un mois en Thaïlande.
Pas de photo sans post-production
Allez sur le site sebetenzo.com, passez rapidement d’une image à l’autre, du sport à la mode, du people à la publicité. Ce qui reste c’est la bonne humeur. Ce sont des images de bonheur, nées de l’audace et du dépassement dans la rencontre. Le style SEB & ENZO est unique, il tient dans le doublement : deux fois plus d’idée, d’audace, de passion, d’amusement et d’exigence. On est toujours plus fort à deux, surtout quand on ne fait qu’un !
« Le moment de la prise de vue est le plus important car ce qui nous intéresse dans la photo c’est la rencontre, la relation avec l’autre. On essaie d’aller le plus loin possible avec la personne que l’on doit photographier. On a des idées, on essaie de les faire passer, on provoque sans cesse les sorties de route, les dérapages vers les moments de folie, de magie qui seuls peuvent générer des photos exceptionnelles. Après, on entre en post-production, les images sont retravaillées et nous laissons aller notre créativité. Au début en roue libre, dans tous les sens, puis un axe s’établit, on en discute, on échange nos images, le résultat est une fusion de nos regards et de nos idées. Cette étape de post-production permet aussi de livrer des images finalisées. »
Seb et Enzo font tirer toutes les images de leurs books chez Négatif Plus. « Ils ont comme nous la philosophie de la bonne humeur et de la rencontre, sans se départir de la rigueur professionnelle. »
Siels Nelsel
Juillet – Aout – Septembre 2007
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