En photo Publié le 5 août 2015
Gueule d’Ange – Numéro 35 – Free Freaks
Cela devait arriver. Après quelque trente-cinq numéros d’interviewes chaleureuses et tranquilles : la rencontre de trop.
Le rendez-vous qui tourne mal, qui s’oriente vers des contrées inconnues que l’on ne maîtrise pas, là où votre vernis culturel s’effrite de toute part, où votre entregent se décompose en une suite de balbutiements timides et inaudibles. Ce mardi là, dans un bar de Saint-Ouen, du côté des puces, j’avais rendez-vous, pour ce Gueule d’ange, avec trois compères que l’ont m’avait annoncés comme de talentueux vagabonds de l’image. Mais ce sont de vrais durs, marqués au fer du tatouage, genre pirate, biker et blouson noir, qui se sont présentés. Je ne sais pas où ils avaient garés leurs bolides vrombissants, mais j’ai immédiatement eu envie de dissimuler ma bicyclette et ce beau casque ajouré bleu et blanc. D’une franche poignée de mains, ils m’ont embarqué dans leur monde, le temps d’un repas, d’une interview bouche pleine, ruisselante de bière. Gêné, mais diablement attentif, la discussion fut périlleuse, avec des moments de grande solitude sur les thèmes les plus Rock’n Roll, mais aussi, pour l’essentiel, de beaux moments de partage sur des valeurs communes et une même passion pour l’image et le mot. Finalement une belle rencontre.
Free Freaks, Flamboyant voyou
Un journal né de la culture BD et rockn’roll, pour les pirates de tout bord
Free Freaks a été créé par quatre potes de la génération des années 80, un responsable de l’événementiel et trois illustrateurs travaillant depuis 10 ans pour la même agence de publicité et de design : « Crépuscule ». Epris de liberté, passionnés de BD, de rockn’ Roll et de moto, ils ont voulu créer “quelque chose “ ensemble, pour assouvir en toute liberté leur débordement créatif, mais aussi pour rencontrer des gens, célèbres et inconnus, tous ceux qui partagent leurs valeurs. Après avoir déposé le nom de Free Freaks, ils ont pensé à une fondation où de vieux artistes, pirates des années 70, pourraient se retrouver et dialoguer avec les nouvelles générations, puis en 2012 ils ont opté pour un journal où ils peuvent laisser libre court à leur art et y inviter les vieux briscards, artistes et poètes, qui les font toujours rêver. Un journal pour les pirates d’aujourd’hui, un peu anars, plutôt rebelles, même si ce n’est que de cœur. Un journal où les images ne sont pas sages, prennent toute la place et se moquent des genres.
Quatre garnements épris de liberté
Et si ces quatre motards flamboyants et voyous n’étaient que des garnements ne faisant que ce qui leur plait, se moquant des règles et des usages comme du regard des autres ! Ne s’intéressant qu’à ceux qui partagent leurs valeurs, à leur tribu. Dessinant, écrivant, photographiant jusqu’à plus soif, dans la provocation et l’impertinence souvent, avec drôlerie et tendresse aussi, sans jamais se soucier des dommages.
Certes, ces quatre-là ne sont plus tout jeunes. Ils seraient même dans l’âge de la sagesse, si l’on excepte la belle Cécile Rivat, graphiste voyageuse, au dessin minutieux et fragile, tout en sensibilité, qui a aussi pour mission de gérer le quatuor et sa communication. Alain Frétet, illustrateur fétiche de nombreux magazines comme Rolling Stone, publie depuis 1980, passant de Libé à l’Echo des Savanes, de la BD aux galeries d'art, de la pub à l'édition. Il est le plus connu. Peintre et dessinateur à l’origine, il utilise aussi la photographie et son dernier livre consacré au club très fermé des Hells Angels parisiens est un succès. Xavier de Brettes est l’élément le plus enjoué, le trublion, à l’image de ses personnages de BD, Bolgamol et Fulmigol, genre de frites dansantes évoluant dans un monde de SF déjanté. Quand à Sid, il intervient dans le monde de l’événementiel depuis une trentaine d’années, sa passion des arts et son réseau ferait pâlir de jalousie bien des communicants. « On a une énergie de gamins, les idées fusent, les envies sont intactes, nous sommes passionnés de rock, de moto, de partage, de tout ce qui faisait la jeunesse des années 80, de son esprit de liberté et de révolte. » Beaucoup de cinquantenaires ont gardé au cœur et dans le corps le goût de ces années-là, mais la plupart s’y sont perdus, ne gardant de cette période qu’un ressenti, proche du rêve. A l’inverse l’équipe de Free Freaks y puise sa vitalité, ce vent de liberté et d’insouciance est toujours propice à leur création. « Dès qu’on a eu l’idée du journal, on l’a fait, sans la passer à la moulinette des contraintes. A trop écouter l’avis de chacun, on ne fait rien. On est en permanence dans l’action, on dessine et écrit comme on pense, directement, sans compromis ou contreparties, naturellement, honnêtement. » C’est cette honnêteté qui fait que Free Freaks n’intéresse pas seulement les motards un peu anars, mais tous poètes de l’image. «Nous ne pensions intéresser que les rockers et bikers purs et durs, et nous nous retrouvons avec des lecteurs de tous âges et d’origines sociales très différentes. Le numéro 3 vient de sortir et ils sont déjà impatients de découvrir le 4. »
Ils se connaissent si bien tous les quatre que la confiance est totale, ils n’ont n’a pas besoin de réunions à n’en plus finir ou de signatures à quatre mains pour approuver un article ou un visuel. Ils font et le résultat est authentique, vrai.
Créateurs d’univers
Free Freaks est désormais un semestriel gratuit de 64 pages, tiré à 10 000 exemplaires et distribué principalement à Paris. Un journal épais, non broché, qui fleure bon l’encre et le papier recyclé. Un grand format qui s’éparpille à volonté, au gré des pages qui séduisent et que l’on veut conserver ou afficher. Voilà pour le côté physique, mais l’essentiel est dans le contenu, et là aucune comparaison ne vaut. Tout est image. Dessin, photographie, BD, peinture, se mêlent et se superposent, pleine page. C’est un journal d’illustrateurs dans un univers au départ très rock, moto, sexe et tatouage, mais qui s’adresse à tous les pirates d’aujourd’hui. Le choix éditorial, par le biais d’invités très divers, permet de passer de la curiosité amusée de pubs exclusivement crées pour les annonceurs et dans l'esprit du journal par exemple, à la provocation revendiquée d’artistes contemporains tels que le photographe Richard Aujard qui peint sur ses photos avec son propre sang.
A chaque parution un événement est organisé, le 4 juillet dernier pour la sortie du numéro 3 c’était à l'American Tours Show, à Tours. Free Freaks organise et participe régulièrement à des fêtes, notamment au BURLESQUE FESTIVAL, et des éditions spéciales paraissent entre deux numéros, une façon de satisfaire un lectorat de plus en plus accrocs aux univers débridés de nos illustr’auteurs.
Parole de groupie
«Avant même que le nouveau Free Freaks paraisse, je sais que les sujets vont me plaire. Tous les thèmes qu’ils abordent ne m’intéressent pas forcément, mais la manière dont ils les amènent est tellement originale que je sais que vais être à fond dedans. La publicité, la mode, même la psychanalyse est traitée à leur sauce. A chaque numéro, j’ai l’impression de mieux respirer, de voir les choses autrement. En lisant Free Freaks, je me fais plaisir… »
Bientôt une revue et une collection de livresLe numéro 0 est daté de septembre 2012 et le succès est déjà là, le tirage à 10 000 exemplaires est trop juste et le retour critique des lecteurs est très prometteur. De l’association de départ, Free Freaks devient une entreprise, un studio de création et une bannière pour tous ceux qui étaient en manque de liberté d’expression dans le domaine de l’illustration et du graphisme.
Pour répondre à la demande, Free Freaks sera aussi, dès la rentrée prochaine, sur le même concept, une revue semestrielle disponible dans toutes les bonnes librairies francophone et une collection de livres aux éditions Delpierre, une maison d’édition qui s’ouvre à l’image et qui est particulièrement fière d’accueillir des créateurs qui réussissent à faire le lien entre les générations. Les 4 premiers livres sortiront en début d’année 2015.
Négatif Plus
A l’occasion d’une pub signée Free Freaks
La rencontre avec Négatif Plus s’est faîte par hasard, lors d’une fête organisée dans un bar pour la sortie du numéro 2 de Free Freaks. Philippe Lopez, comme tout motard invétéré, connaissait le travail d’Alain Frétet sur les Hells Angels, mais il a découvert le journal à cette occasion, et sa vision personnelle de la pub la séduit au point d’en commander une pour Négatif Plus. Le résultat l’a déstabilisé, mais le lien était créé entre l’équipe de Free Freaks et celle du laboratoire. Alain Frétet l’assure, « les tirages des prochaines expos FREEFREAKS, toujours en grand format, seront réalisés par Négatif Plus. Nous sommes sur la même ligne. Ce n’est pas qu’une histoire d’Harley ! »
http://www.thefreefreaks.com/
Octobre – Novembre – Décembre 2014
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